Panama #1 ~ Guna Yala, terre indigène ou paradis sur terre ?

Notre aventure panaméenne commence par un réveil matinal, qui sonne à 4h30. Après une journée de 26h, ma nuit ne dure que cinq heures. Ma...

Notre aventure panaméenne commence par un réveil matinal, qui sonne à 4h30. Après une journée de 26h, ma nuit ne dure que cinq heures. Mais s'il est difficile de m'extirper des bras de Morphée, je le fais avec plaisir : aujourd'hui, nous allons au paradis. C'est un petit paradis, non pas dans les nuages mais bien sur la terre ferme, qui porte le nom de Guna Yala pour les indigènes qui l'habitent, San Blas pour le reste du monde. C'est un archipel de 2400km², composé de 365 îles de sable blanc. Là-bas, les palmiers courbent leur échine géante au-dessus de l'eau turquoise, les maisons y plantent leurs pilotis et les Hommes y pêchent leur nourriture.



Posée au milieu de nulle part


Cet état est régit par ses propres lois et sa manière de vivre, en accord avec la nature. Les bateaux à moteur ne sont utilisés que pour les touristes, les canettes de soda ne sont jetées à la mer que par les touristes, les mauvaises habitudes ne viennent que des touristes. Je me sens un peu mal face à ce constat, mais en voyant le nombre d'embarcations transportant les blancos d'île paradisiaque en île paradisiaque, je comprends que le tourisme, qui détruit l'écosystème à petit feu, est aussi l'activité qui permet à la communauté de survivre dans ce monde capitaliste. J'en prends d'autant plus conscience quand je demande à une femme en habit traditionnel, parée d'un grand sourire, de la prendre en photo. Elle me répond, le visage fermé, "cinq dollars". C'est le pire contact que je n'ai jamais eu avec un local. Je me souviens des paysans turcs qui posaient devant mon objectif avec un plaisir enfantin et me demande ce que je n'ai pas bien fait cette fois. Rien, me répond Delys, ce n'est pas moi, c'est eux. Cette communauté indigène ne parle que très peu l'espagnol et la plupart des commerçants ne font rien pour établir un quelconque lien avec les touristes, les envahisseurs aux poches en or. Je vis encore ce décalage inconfortable le lendemain, au marché de  Panama Ciudad, où je tente de photographier les étales colorées tenues par les indigènes en habit traditionnel, juste parce que j'aime ces couleurs et ces motifs, l'énergie qui s'en dégage. Mais à peine ai-je tourné mon objectif vers elles que les marchandes se cachent sous les tables ou derrière leurs bras, comme si le déclenchement de mon obturateur allait s'abattre sur elles telle une massue. Je ne comprends pas vraiment comment l'on peut vivre du tourisme, vendant ses activités au sein d'un pays avec lequel l'on refuse la communication. Mais tous ne sont pas comme cela, heureusement.



Couleurs indigènes


Bateau à touristes mené par un local


Nous choisissons la compagnie Guna Yala Trips and Tours pour nous accompagner dans notre découverte. Cela nous coûte un peu cher, 120€ par personne, mais en voyant les photos, je n'ai pas hésité longtemps !
Un chauffeur bavard et incollable sur l'histoire de cette population nous conduit, de Panama Ciudad à l'embarcadère. Ce premier voyage dure trois heures et traverse les collines recouvertes de la jungle verdoyante typique de cette région tropicale. Je reste les yeux collés à la vitre, m'émerveillant à chaque virage. Le soleil se lève sur cet incroyable paysage, et s'installe avec lui brume matinale de la saison des pluies. Cette dernière masque le paysage mais ajoute un voile de mystère à la journée dont je rêve depuis des mois sans vraiment savoir ce qu'elle me réserve.



En route !


Par la fenêtre du 4x4...



Le nez collé à la vitre et les yeux pétillants, je rêve d'en apercevoir plus. Le chauffeur le comprend bien vite et nous promet qu'il s'arrêtera pour le plus beau panorama de la route... Il ne tarde d'ailleurs pas, et nous presse hors de la voiture. À perte de vue, la forêt tropicale baignée dans sa brume matinale. Et là-bas, tout au fond, se confondant avec l'horizon, la mer. Une douce étendue bleue-grise reflétant le poivre et sel du ciel menaçant. Le crachin n'a pas cessé depuis ce matin ; je sens que le temps ne sera pas clément. Mais pour l'heure, rien ne vient obscurcir mes pensées. Je suis au Panama et j'ai devant mon objectif Delys et sa maman dansant de joie. C'est la première fois, pour Delys aussi. Depuis des années, elle entend ses frères lui parler de cette terre magique. Elle porte à son poignet un bracelet tissé aux couleurs de leur ethnie, la couvant déjà dans son cœur sans jamais ne l'avoir rencontrée. Comme moi, elle boue d'impatience et s'extasie de tout. San Blas, elle m'en parle depuis des mois. Et nous y sommes, enfin.


Heureuse


Mais trève d'enfantillages, après une trentaine de photos face au paysage, notre chauffeur nous raccroche à la réalité : il faut se remettre en route, ou nous louperons notre bateau. Alors, nous remontons dans la voiture à contrecœur.


Trio de choc !


Une demi-heure plus tard, le moteur stoppe son ronron apaisant, qui avait fini par endormir nos cœurs impatients. Quand les portières s'ouvrent, c'est la cohue. La chaleur moite s'est déjà installée, bien loin de la fraîcheur de l'aube. Les panaméens vont et viennent, patchwork d'origines et de sangs mêlés. J'observe sans oser me jeter dans le bain, je photographie.


Dernière plage du continent


Puis, je fais la rencontre d'une des merveilles culinaires du Panama : les hojaldre. Ils n'ont pourtant rien d'extraordinaire, d'après Delys et sa maman, qui les délaissent sur le bord de leur assiette. Pour moi, Française friande de bon pain, c'est un délice et, surtout, un petit-déjeuner parfait. À compter de ce jour, je les chercherai du regard dans chaque restaurant où je pénétrerai.
La pluie fait maintenant rage, ses grosses gouttes ruisselant sur le toit de paille. Je m'impatiente mais savoure ce sentiment, me rappelant que je ne suis plus en Europe : ici, être en retard est habituel, et tout prend toujours plus de temps que prévu. J'aurai l'occasion de l'expérimenter de nouveau, presque quotidiennement.




Par intermittence, la pluie faiblit, et c'est lors de l'une de ces éclaircies fébriles que nous embarquons, enfin, à bord de notre hors-bord rouge. Notre guide se présente : habitant de Guna Yala et grand comique, il égayera toutes nos découvertes. Voilà qui me réconcilie avec cette ethnie.




Le vent fait voler mes cheveux et mon coeur s'élève à chaque rebond, le vaguelettes faisant danser notre embarcation. Je scrute chaque nouveau détail, à mesure que nous progressons dans ce décor de rêve. Ce sentiment de bien être et d'émerveillement efface tout les doutes que la pluie faisait naître en moi : même par mauvais temps, ces îles paradisiaques sont à couper le souffle. J'ai hâte de poser pied à terre, imaginant l'excitation de Christophe Colomb monter en moi.


Arrivée en terre inconnue


La pluie s'arrête petit à petit, tâchant toujours quelque peu nos objectifs, ternissant nos photos. Advienne que pourra, nous explorons chaque recoin de l'Isla Perro, zigzaguant entre les cocotiers. Delys, c'est le genre d'amie avec qui je peux jouer aux mannequins. Nous nous en donnons à coeur joie !






















Mais toute bonne chose a une fin, même lorsqu'elles sont remplacées par d'autres merveilleuses surprises. Nous changeons d'équipement : le masque et tuba remplace le paréo, la caméra étanche le réflexe.






Self-ish



En fin de journée, notre embarcation réalise un dernier arrêt : nous posons les pieds sur l'île administrative, qui encre cette journée paradisiaque à la réalité. Ici l'on trouve l'aéroport à la piste d'herbes sauvages, le commissariat décrépi et le seul hôtel de Guna Yala.


Commissariat

Chambre sur pilotis

Sur le chemin du retour



Ainsi s'achève cette longue journée au goût d'ailleurs et de bonheur, teintée de déception à la forme de nuages d'orage et de gouttes de pluie. Notre chauffeur nous ramène à Panama Ciudad dans notre carrosse aux grosses roues. Sur la route, je m'endors bien vite mais me réveille juste à temps : la capitale m'accueille de mille étincelles.




Demain, nous la visiterons.


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1 réactions

  1. J'ai adoré découvrir cet endroit paradisiaque dont je n'avais entendu que du bien, les fonds marins, la beauté des plages, la richesse botanique des lieux, etc.
    Sur le rapport au tourisme... c'est un débat éternel. Le tourisme "disneylandise" les lieux, ça permet à la fois aux populations de garder et valoriser leur mode de vie traditionnel, et ça le folklorise et le rend mercantile, c'est un peu inévitable. Personnellement, depuis la Martinique où j'ai vu que les gens réagissaient très mal aux demandes de photo car ils se sentaient humiliés, j'ai fait le choix de ne pas photographier les gens, sauf s'ils sont dans une situation où ils se mettent eux mêmes en scène (spectacle, parade, défilé, etc), car ça me met mal à l'aise, j'ai toujours peur d'être perçue comme quelqu'un qui serait en safari. Je trouve que ça transforme la relation avec les gens, ça peut les vexer, leur donner l'impression qu'on est au zoo, etc. Je sais qu'on passe à côté de portraits, d'images plus authentiques, mais en même temps, je ne veux pas risquer de les réduire au rang de figurants et qu'ils le prennent mal. C'est un débat compliqué, je suis bien d'accord. Merci pour ce bel article intéressant, j'ai hâte de lire la suite!

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Julie La Blogtrotteuse©. Fourni par Blogger.