Amériques
Panama
Récits de voyage
Mais qu'est-ce que je fais là ? - Introduction à ma grande aventure centraméricaine
8/26/2016
Il est 12h21, l'avion décolle.
Je ne me souvenais pas que ça bougeait autant, les longs courriers. C'est que mon dernier remonte à un moment maintenant, je n'en ai même aucun souvenir. Je me rappelle Cuba, le premier, avec Iberia comme aujourd'hui. Je me rappelle le Brésil, le premier avion Air France dans lequel j'ai volé, l'impression de luxe. Mais les souvenirs de mon vol pour les Etats-Unis sont devenus difficiles à atteindre, comme si ce genre d’événement pouvait devenir banal. Aujourd'hui, en redécouvrant le paysage au-dessus de Madrid, je réapprends à profiter de l'instant.
Et puis je reviens, enfin, sur mon début de journée. Tout s'est enchaîné si vite. Le lever aux aurores, les tristes aux-revoirs avec Mister A, que je venais de retrouver, la queue interminable pour enregistrer mon bagage en soute, le passage de la sécurité comme une lettre à la poste, avec cette procédure que je connais maintenant par cœur : sortir les flacons de liquide, mon téléphone, ma tablette, mon reflex, mon polaroid, ma caméra. L'équipement a évolué au cours du temps, mais les gestes restent les mêmes.
On embarque très vite, à peine le temps de s'acheter un petit-déjeuner hors de prix. La compagnie pratiquant le surbooking, je suis surclassée. Je me retrouve dans une classe business qui n'en a que le nom. On m'a enlevé mon hublot et on l'a remplacé par un journal et une boisson chaude. Je relis les dernières actualités quant à la tragédie qui s'est déroulée à Nice, puis ferme les yeux sur les horreurs du monde et m'endors.
À mon réveil, on atterrit à Madrid. Je reprends vite mes esprits et plie bagage. Il me faut, en un rien de temps, traverser l'entièreté de l'aéroport, prendre la navette souterraine, repasser le contrôle des frontières -l'UE n'existe plus en temps de crise terroriste- puis traverser l'aéroport dans l'autre sens. Ouf, l’embarquement n'a pas encore commencé, il est même en retard.
***
Nous survolons l'immensité de l'Océan Atlantique. Mon voisin me fait du coude pendant son sommeil et j'essaie de ne pas sombrer, comme lui, à l'appel de Morphée. Il me faut tenir jusqu'au repas, mon estomac ne me pardonnerait pas si je le manquais.
Je m'endors directement après avoir mangé, pour me réveiller emprise de doutes. Qu'est-ce que je fais là ? Non, pire que cela, qu'est-ce que je fais là, seule ? Que m'est-il donc passé par la tête ? A quoi pensais-je, quand j'ai réservé ces foutus billets d'avion ? Surement à toutes ces histoires merveilleuses que je lis sur le blog des autres, ceux qui réussissent. Ceux qui ont appris à apprécier leur propre compagnie. Mais moi, là maintenant, recroquevillée dans mon coin d'avion, je me sens terriblement seule et apeurée. Comment vais-je meubler ces trois semaines de voyage en solo ? Comment vais-je réussir à faire passer le temps au Costa Rica ? Je ne pense même pas à profiter de mon voyage, je pense à la date du retour qui me paraît si loin, je pense aux subterfuges que je pourrais utiliser pour que cette épreuve me paraisse moins longue.
Je pense trop et ne vois plus clair. Les larmes troublent ma vision, mais je ne peux les laisser s'écouler le long de mes joues. Je dois être forte. J'en suis capable. J'ai connu d'autres épreuves, ce n'est qu'une nouvelle à passer. D'autres l'ont déjà enjambée avant moi, cette haie de doutes. Peut-être beaucoup plus simplement d'ailleurs. Je me demande ce que mon frère pensait, à son départ pour trois mois en solo.
Je m'endors directement après avoir mangé, pour me réveiller emprise de doutes. Qu'est-ce que je fais là ? Non, pire que cela, qu'est-ce que je fais là, seule ? Que m'est-il donc passé par la tête ? A quoi pensais-je, quand j'ai réservé ces foutus billets d'avion ? Surement à toutes ces histoires merveilleuses que je lis sur le blog des autres, ceux qui réussissent. Ceux qui ont appris à apprécier leur propre compagnie. Mais moi, là maintenant, recroquevillée dans mon coin d'avion, je me sens terriblement seule et apeurée. Comment vais-je meubler ces trois semaines de voyage en solo ? Comment vais-je réussir à faire passer le temps au Costa Rica ? Je ne pense même pas à profiter de mon voyage, je pense à la date du retour qui me paraît si loin, je pense aux subterfuges que je pourrais utiliser pour que cette épreuve me paraisse moins longue.
Je pense trop et ne vois plus clair. Les larmes troublent ma vision, mais je ne peux les laisser s'écouler le long de mes joues. Je dois être forte. J'en suis capable. J'ai connu d'autres épreuves, ce n'est qu'une nouvelle à passer. D'autres l'ont déjà enjambée avant moi, cette haie de doutes. Peut-être beaucoup plus simplement d'ailleurs. Je me demande ce que mon frère pensait, à son départ pour trois mois en solo.
***
22h05, heure française.
Il fallait juste que je vois la côte panaméenne se dessiner au travers des nuages pour que l'orage intérieur se calme. Tout est si différent de la France ici. La façon même dont le sable embrasse l'océan me parait fabuleusement exotique. La couleur de la nature, la géométrie de la civilisation, la topograpograhie de la terre se jetant dans les bras de mer, ça ne ressemble à rien que je ne connaisse. Ou bien... En voyant le fleuve se frayer un chemin au creux des collines vertes, je me souviens. Je me souviens Cuba, je me souviens Vinales. Et je suis maintenant prête à faire face aux montagnes que la vie dresse devant moi, sans ciller face à leur ascension. La première n'est d'ailleurs pas si effrayante : je vais retrouver mon amie Delys, qui m'emmènera voir les recoins merveilleux de son pays pendant une semaine. La vraie épreuve commencera après, mais j'ai le temps. Je décide que pour une fois, je ne stresserai pas à l'avance.
La Vallée de Pinar del Rio, aux portes de Vinales, Cuba |
15h20, on atterrit avec quelques minutes d'avance. Une avance que je vais perdre, en restant bloquée à la douane. Je n'ai pas d'adresse au Panama, je ne connais pas celle de Delys et le wifi ne fonctionne pas. Je tente, en vain, d'appeler mon amie panaméenne, mais sa ligne n'a pas été réactivée. Je manque de donner raison à la panique qui m'envahit, la laissant presque me faire glisser au sol, en larmes. Je repense à la garde-frontière en habit de chien de prison, je relis sur ses lèvres le fatidique "sans adresse au Panama, tu ne passes pas" qu'elle m'aboyait en espagnol, je revois ses yeux noirs s'abattant sur les miens plein de détresse. Et je me ressaisie. Ce n'est que le début d'un long voyage, où je devrai apprendre à me faire confiance. Je vais évoluer dans un environnement qui m'est étranger, où je ne parle pas la langue et ne connais pas les mœurs. Je vais surmonter d'autres épreuves, ce n'est que la première, je ne peux pas baisser les bras maintenant.
Je finis par me connecter au wifi chancelant de l'aéroport, note sur mon papier vert la première adresse d'auberge de jeunesse que je trouve et passe, nerveusement, la frontière panaméenne. Toute la famille de Delys est là pour m'accueillir, criant mon nom de l'autre côté des barrières de la zone d'arrivée, comme dans les films, comme j'en rêvais. Ils sont géniaux, tout est parfait ; la sur-climatisation de l'aéroport, la chaleur moite qui colle à la peau dès les portes coulissantes passées, la pluie diluvienne qui s'abat sur nous sans prévenir.
On se sert à quatre à l'arrière de la voiture du frère aîné, comme on le fera chaque fois par la suite. La saison des pluies bat son plein, l'eau s'accumule sur la voie rapide, nous obligeant à rouler au pas.
On se sert à quatre à l'arrière de la voiture du frère aîné, comme on le fera chaque fois par la suite. La saison des pluies bat son plein, l'eau s'accumule sur la voie rapide, nous obligeant à rouler au pas.
Perchée au vingt-quatrième étage, l'étendu des possibles face à moi |
On pose finalement nos bagages dans le nouvel appartement de Delys. La vue d'ici est à couper le souffle. A partir de cette année, elle étudiera dans la capitale, Panama Ciudad. Nous allons commencer par l'exploration de cette ville, Delys, sa maman et moi. Le reste de sa famille rentre à Chiriqui. Nous les y rejoindrons dans deux jours, afin d'explorer la région dans laquelle Delys et ses frères, Dany et Jose, ont grandi. Cela nous permettra d'explorer les îles paradisiaques de Bocas del Toro, à quelques heures en bus de Chiriqui.
Qui est Delys ?
Je l'ai rencontrée en même temps que Melissa, au tout début de mon Erasmus. J'étais en Pologne depuis trois jours, l'année universitaire allait bientôt débuter et l'ESN Politechnika, l’Erasmus student network de la faculté de Delys et Melissa, organisait une semaine d'intégration. L'université de médecine n'étant rattachée à aucun ESN, Lisa -ma camarade française- et moi nous inscrivons sur celui de Politechnika. C'est là que l'on rencontre Omer, l'un des garçons les plus gentils et généreux qu'il m'ait été donné de connaitre. Il nous propose de continuer la soirée dans un restaurant organisant une soirée salsa. J'accepte avec grand plaisir, ça fait longtemps que je ne me suis pas déhanchée sur des rythmes latinos. Sur place, Omer rejoint trois amies, dont Delys et Melissa. On passe la soirée ensemble, puis on se retrouve quelques jours plus tard, au bowling. Mais l'événement qui marque l'avènement de notre amitié, c'est notre rencontre fortuite dans le bus pour aller au lac, un dimanche de septembre. Omer, Delys, Melissa et leurs amis y vont pour un pique-nique, je ne m'y rends sans autre but que celui de sortir de chez moi. Ils me proposent généreusement de me joindre à eux, et nous passons un formidable après-midi. S'en suit une série de bons moments, dont notre roadtrip jusqu'en Lituanie, leur venue en France pour Noël, Stockholm avec Delys et Rome avec Melissa.
Melissa et ma boule de crystal, Rome 2016 |
C'est assises sur les quais du Rhône, à Lyon, que nous commençons à rêver de notre voyage en Amérique Centrale. Le plan initial est de visiter le Panama, pays de Delys, le Nicaragua, pays de Melissa, et le Costa Rica, où vit la soeur de cette dernière. Malheureusement, la faculté nicaraguayenne de Melissa avance sa reprise des cours, et elle ne peut prendre part à ce voyage. C'est donc seulement chez Delys que je me rends, où je passe une semaine incroyable. Puis je prends la route du Costa Rica, seule, pour trois semaines. Rien n’est organisé pour le moment. Je profite des 10h d’avion pour choisir ma première destination : Cahuita. Après cela, c’est la grande inconnue.
9 réactions
Un très joli article pour inaugurer ton voyage au coeur des Amériques, avec de belles images et de jolis mots, on est avec toi derrière ce hublot, dans ces montagnes russes des émotions... hâte de lire la suite du voyage, de continuer ce bout de chemin avec toi !
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour ton commentaire, Alexandra. C'est toujours un grand plaisir de me connecter et de découvrir que tu as pris le temps de me laisser un nouveau commentaire. Ca me colle toujours un sourire aux lèvres et me donne un coup de boost pour continuer.
SupprimerJe suis contente d'avoir réussi à t'embarquer avec moi et j'espère te garder jusqu'à la fin du voyage (et au-delà). Les montagnes russes des émotions ne sont pas encore finies, accroche-toi bien ;)
A bientôt -probablement sur ton blog, avec ton superbe article sur les Açores !
Je t'embrasse
Un début de voyage qui présage de belles choses et surtout des vues à couper le souffle ! Bon voyage à toi !
RépondreSupprimerJe découvre ton blog et j'ai hâte de lire tes prochains articles !
Merci infiniment pour ce commentaire, Adrienne. Ca me va toujours droit au cœur, quand une nouvelle lectrice prend le temps de me laisser un mot. Et quel mot ! Il m'encourage à me dépêcher pour publier la suite... Je vais faire du mieux que je peux.
SupprimerA très vite, j'espère.
Mais c'est génial ! :D
RépondreSupprimerC'a l'air tellement beau. Tu as beaucoup de chance d'avoir rencontré de si belles personnes pendant ton Erasmus :)
Bon et puis finalement, voyager seul.e, c'est pas si atroce que ça ? :p
xx ♥
Oh mais quelle avalanche de commentaires ! J'ai sautillé de joie dans mon appartement quand je les ai découverts. Merci, du fond du coeur, de me suivre et de m'encourager comme cela <3
SupprimerC'était réellement sublime en effet ! A chaque fois je me disais "Bon, c'est ça, le Paradis, non ?" Et puis je découvrais un autre endroit magnifique... :D
Oui, j'ai vraiment fait de belles rencontres durant cette année en Pologne, j'en suis ultra heureuse. J'ai mesuré toute ma chance quand j'étais assise à la table du petit-déjeuner, avec la famille de Delys et les plats succulents de sa maman... :D
Et puis, ces trois semaines seule au Costa Rica... Je ne pensais pas que ça me plairait autant, de voyager seule ! Mais je n'en dis pas plus, il ne faudrait pas trop briser le suspens ;)
A bientôt xx
Bon Julie, je viens te mettre la pression, on veut lire la suite ;)
RépondreSupprimerC'est en couuurs. J'ai bien avancé hier soir ! Et si tout va bien, il y aura un teaser sur facebook cette semaine.
SupprimerMais merci de me mettre la pression, Dieu sait que j'en ai besoin. Et merci pour ton soutien <3
aaaah moi aussi j'attends la suite, j'ai vu qu'il y avait le Panama, que je vais lire après celui-ci, mais j'attends surtout le Costa Rica auquel je pourrais confronter mon expérience et voir si tu as réussi à surmonter ton appréhension du voyage solo !
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